Prosper Mérimée : premier ange-gardien du patrimoine
Par Riches Heures le samedi, 13 mars 2010, 12:10 - Histoire - Lien permanent
Le 31 juillet 1834, un jeune homme fraichement nommé par Adolphe Thiers au poste d’inspecteur général des Monuments Historiques, se lance sur les routes de France à la découverte de son patrimoine architectural. Ce qu'il y trouve est accablant.
Il ramène de ses longs voyages dans le royaume de précieux carnets et rapports, dans lesquels il décrit des monuments maltraités et négligés. La vieille ville de Carcassonne est sale et délabrée : « Il y a deux villes à Carcassonne : La Cité, sur le haut de la colline, encore enceinte de murailles, est la plus ancienne […] Ses rues sont irrégulières, ses maisons tombent en ruines, tandis que la ville neuve est aujourd’hui l’une des mieux bâties de France. » L’abbaye de Jumièges n’est plus qu’un monceau de ruines, dépecé au début du siècle par un marchand de matériaux sans scrupules. Quant au Mont Saint-Michel, ce joyau posé par les dieux au sommet du mont Tombe, ce n’est plus qu’une prison sordide où s’agglutine toute la misère du monde. C’est le « crapaud dans le reliquaire » que fustigeait Victor Hugo. Le patrimoine en général et le patrimoine médiéval en particulier, est regardé comme sans valeur et donc condamné inéluctablement à disparaître. L’exemple emblématique est le petit baptistère Saint-Jean de Poitiers, que la municipalité envisage de raser pour laisser la place à une voie de circulation. La Société des Antiquaires de l’Ouest s’en émeut, en avise Mérimée qui prend le dossier en charge et se bat pour parvenir à le sauver. Le baptistère est finalement acquis par l’Etat en 1834. Il s’agit du premier monument acheté en France par l’Etat pour en assurer la survie.
Mérimée écrit rapport sur rapport, frappe aux portes de toutes les sommités de l’époque, rencontre préfets et institutions locales. Il monte et organise un embryon d’administration entièrement dévoué à la sauvegarde de sites anciens, jetant ainsi les bases de la préservation du patrimoine en France et de son institution phare : les Monuments Historiques. Il dresse en 1840 une liste de mille monuments en péril, pour lesquels il demande des secours d’urgence. On y découvre entre autres le pont du Gard, les arènes d’Arles ou de Saintes, les châteaux de Mehun, de Ventadour, de Chaumont et de Chambord, autant de merveilles qui contribuent aujourd’hui à la renommée internationale de la France.
En compagnie de son architecte fétiche, Eugène Viollet-le-Duc, il sème les chantiers de restauration dans tout le pays : cathédrale Notre-Dame de Paris, Notre-Dame de Laon, basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay… Au-delà des innombrables critiques que soulèvent ces restaurations, Mérimée fut un pionnier et sauva par son action vigoureuse ce qui nous est maintenant si cher. A défaut d’y avoir sa statue, l’ami Prosper devrait posséder sa rue dans presque toutes les villes et villages de France. Presque chaque commune a contracté envers lui une dette éternelle.
Stéphane Gondoin
Pour tout savoir sur Prosper Mérimée
http://www.merimee.culture.fr/
Commentaires
Cette facette de la personnalité de Prosper Mérimée m'était inconnue. Merci.