Le 20 mai 1436, une nommée Claude apparaît à la Grange-aux-Ormes (Moselle) au sud de la ville de Metz. Bien vite, certains reconnaissent en elle la Pucelle d'Orléans, réputée brûlée vive à Rouen cinq ans plus tôt.

Parmi les témoins qui l'identifient se trouvent Pierre et Jehan du Lis, les propres frères de Jeanne. Depuis 1431, les deux hommes courent de désillusion en désillusion. Ils pensaient sans doute que les hauts faits de leur cadette leur vaudrait la reconnaissance royale et une position sociale privilégiée. Charles VII les a cependant oubliés et ils vivent maintenant dans la gêne. Faut-il voir dans cette indigence et ce sentiment d'abandon les origines d'une mystification ? C'est très plausible. Mais en l'absence de preuves nous ne dépasserons pas le stade de l'hypothèse. Difficile de faire ce que nous reprochons à d'autres et de bâtir des théories sur du vent. Les faits, rien que les faits.

La résurrection :

Le plus ancien document évoquant le « retour » de Jeanne est la chronique d'un religieux de la ville de Metz, détenteur de la cure de Saint-Eucaire. Il existe deux versions de son texte. La première, probablement rédigée à chaud, laisse entendre qu'il n'y a aucun doute sur l'identité de la revenante : « Icelle année, le XXe jour de may, vint la Pucelle Jehanne qui avoit esté en France […] et se faisoit appeler Claude ». La seconde, sans doute  modifiée peu après, parle -déjà- d'une supercherie :  « En celle année vint une jeune fille, laquelle se disoit la Pucelle de France, et jouant tellement son personnage que plusieurs en furent abusez. » Quelques potentats locaux lui offrent armes, chevaux et vêtements. Elle part alors pour Arlon (Belgique), où elle rencontre le comte de Virnenbourg qui  l'emmène avec lui à Cologne (Allemagne). Elle apparaît sur un registre de cette ville sous le nom « Pucelle de France » à la date du 6 août.
Dans le même temps des messagers ont galopé jusqu'à Orléans pour annoncer l'incroyable nouvelle. On découvre dans les comptes de la ville à la date du 9 août 1436, la somme de 48 sols « pour bailler à Fleur-de-lilz […] pour ce qu'il avoit apportées lectres à la ville de par Jehanne la Pucelle. » Le 21 août, c'est Jehan du Lis, frère de Jeanne qui passe en val de Loire. En octobre enfin, les comptes nous apprennent le retour du héraut Cœur-de-Lis, que la ville a envoyé à Arlon pour vérifier la crédibilité de l'affaire.

Drôle de luronne :

Pendant ce temps, à Cologne, Claude/Jeanne s'est singulièrement illustrée. Le « Formicarium » de Jean Nider (1437), décrit une femme dévergondée, qui fréquente les bals, les banquets et effectue des tours de magie. Elle affirme même pouvoir faire un archevêque de Trèves, comme « elle avait auparavant fait de Charles le roi des Francs. » Deux concurrents se disputent alors le prestigieux siège archiépiscopal. Dans le sillage de son ami le comte de Virnenbourg, Claude soutient le candidat proche des Bourguignons contre celui du pape. Étrange revirement... Nous avions une Jeanne armagnac, d'une bigoterie insondable et priant sans cesse... Nous voici avec une Claude bourguignonne, forte en gueule, fêtarde et un brin paillarde...
L'affaire tourne mal pour elle. Excommuniée par l'inquisiteur local, elle file discrètement de Cologne et regagne Arlon. 

À suivre...