Pour bien appréhender
la signification de la structure de Chambord, il convient
de brosser en préambule quelques grands traits de la
société féodale.
A compter du milieu
du IXe siècle débute un processus de privatisation
de la chose publique, un morcellement de l'autorité.
A quelques nuances régionales près, chaque potentat
local devient seul maître sur ses terres. Il s'est arrogé
ce que l'on nomme communément le droit de ban : commander,
juger, fortifier et lever l'impôt. Au centre de ses
possessions, sur lesquelles il règne en maître
absolu, il érige sa demeure personnelle et la fortifie.
Ce lieu devient donc automatiquement le siège du pouvoir.
Il existe par conséquent un lien étroit entre
le château médiéval, la propriété
de la terre et l'exercice de l'autorité. En résumé,
une simple tour qui domine les campagnes revêt une signification
symbolique : elle incarne la puissance.
Les énormes
progrès réalisés par les armes à
feu à partir du premier tiers du XVe siècle
et l'implacable restauration de l'autorité royale,
rendent bien vite obsolète le concept même du
château fort. La société féodale
agonise et seul le roi détient désormais le
précieux droit de gouverner. Cette indépendance,
cette hégémonie recouvrées doivent éclater
ostensiblement au regard de chacun. Les hommes de la Renaissance
ne diffèrent cependant guère dans leurs repères,
de ceux des générations précédentes.
Tours élevées, hautes courtines (même
percées de centaines de fenêtres), imitations
de mâchicoulis (comme à Chaumont-sur-Loire) demeurent
à leurs yeux représentatifs de l'omnipotence.
C'est avant tout sous cet angle que doit être analysée
la structure de Chambord.
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Le palais dessine
donc un immense rectangle de 156 mètres sur 117, flanqué
aux angles de quatre gros cylindres très saillants.
Deux autres tours circulaires, énormes, encadrent la
porte. L'ensemble s'inspire largement du plan type des grandes
forteresses bâties par le roi Philippe Auguste. Une
construction carrée appelée " donjon "
(encore un symbole) trône au milieu de la façade
occidentale. Elle est elle aussi flanquée de quatre
tours aux angles.
Mais Chambord doit
également satisfaire aux goûts et aux impératifs
de son temps. C'est un espace voué au luxe, aux fastes
de la vie de cour. Les architectes s'y sont surpassés
et y ont démontré tout leur savoir-faire. Ils
s'inspirèrent largement et librement des très
belles réalisations italiennes, créant ainsi
une uvre unique et originale. Les sculpteurs ont rivalisé
d'art et donné vie à la pierre en la ciselant
finement. Les étages intérieurs sont desservis
par un exceptionnel escalier à double révolution.
Les salles, immenses, ont fait l'objet d'aménagements
ininterrompus durant presque quatre siècles : François
Ier naturellement, mais aussi Louis XIV y ont laissé
leur empreinte. La promenade sur les toits se révèle
envoûtante : ce n'est que forêt de pinacles, de
clochetons, de cheminées (365 au total) et de lanternes.
Témoin
exceptionnel d'une époque révolue où
le fonctionnel le cédait volontiers au grandiose, Chambord
est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1981.
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