Entre Capétiens
et Plantagenêts :
Avant le XIIe siècle,
il n'y avait probablement à l'emplacement de La Rochelle
qu'un simple village de pêcheurs. La région était
dominée par les sires du castrum Allionis, Châtelaillon,
vassaux des comtes de Poitou, ducs d'Aquitaine. En 1126, le
duc Guillaume X le Toulousain décida d'abattre le dernier
rejeton de la lignée, Isembert de Châtelaillon.
Il se présenta devant la place éponyme, s'en
empara et la dévasta.
Il choisit alors
de favoriser le lieudit voisin de Rupella et d'en faire une
place commerciale et militaire de premier ordre. Par le mariage
d'Aliénor d'Aquitaine avec le comte d'Anjou Henri Plantagenêt
(1152), La Rochelle passa aux mains du comte d'Anjou. Après
l'accession au trône d'Angleterre de ce dernier (1154),
la ville devint partie intégrante de ce que l'on nomme
aujourd'hui communément " Empire Plantagenêt
", s'étirant du mur d'Hadrien (nord de l'Angleterre)
aux Pyrénées. Un château y est mentionné
pour la première fois en 1214. La commune jouissait
alors de nombreux privilèges et battait même
monnaie.
La Rochelle fut assiégée
et prise par le roi de France Louis VIII le Lion en 1224.
Elle passa donc sous influence française à cette
date et y demeura pendant plus de 130 ans. La forteresse s'élevait
au cur de l'enceinte urbaine, sur le site de l'actuelle
place de Verdun, face à la cathédrale Saint-Louis.
Ses vestiges ont été mis à jour et fouillés
en 1995 à l'occasion de la construction d'un parking
souterrain.
La guerre de Cent
Ans :
En 1360, le terrible
traité de Brétigny imposé par le roi
d'Angleterre Edouard III après le désastre de
Poitiers (1356), obligea le dauphin Charles (futur Charles
V) à céder notamment la capitale de l'Aunis.
La Rochelle redevenait anglaise, non sans avoir au préalable
refusé d'ouvrir ses portes aux Anglais et protesté
de sa fidélité au roi de France. Froissart raconte
: " Sur la côte aussi, en Poitou, en Rochellais
et dans tout le pays de Saintonge, il y eut grand déplaisir
aux barons, aux chevaliers et aux bonnes villes du pays à
devenir anglais. Et plus spécialement ceux de la ville
de La Rochelle qui ne voulaient s'y résoudre et protestèrent
à maintes reprises, et affirmèrent pendant plus
d'un an que jamais il ne laisseraient entrer les Anglais dans
leur cité. On peut s'émerveiller des douces,
aimables et suppliantes lettres qu'ils écrivaient encore
et encore au roi de France, le suppliant par Dieu qu'il ne
les abandonne pas et ne les écarte pas de son domaine
pour les remettre dans des mains étrangères
; qu'ils préféraient être grevés
chaque année de la moitié de leurs revenus plutôt
que d'être aux Anglais. Sachez que le roi de France
qui voyait leur bonne volonté et leur loyauté
et écoutait attentivement leurs doléances, avait
grand pitié d'eux. Mais il leur demanda et écrivit
affectueusement et soigneusement qu'ils devaient obéir,
ou autrement la paix serait enfreinte et brisée et
que ce coup serait un trop grand préjudice pour le
royaume de France. Quand ceux de La Rochelle virent l'embarras,
et que ni les protestations, les remontrances et les prières
n'avaient aucun effet, ils obéirent. Mais ce fut avec
difficulté et les plus grand notables de la Rochelle
s'écrièrent : Nous accepterons les Anglais
des lèvres, mais nos curs jamais ne changerons.
" Belle manifestation de patriotisme !
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L'occupation anglaise
dura une grosse dizaine d'années. En 1372, la ville
ouvrait ses portes aux troupes de Charles V, enfin réconciliées
avec la victoire. L'échevinage fut anoblit et les privilèges
fiscaux de la cité confirmés. Selon les contemporains,
le vieux château fut démantelé et ses
matériaux utilisés pour renforcer les défenses
du port. L'archéologie a confirmé ces dires.
De cette époque datent donc approximativement les tours
Saint-Nicolas et de la Chaîne.
La Genève
française :
Les Anglais se présentèrent
à maintes reprises devant La Rochelle durant la première
moitié du XVe siècle. Jamais ils ne parvinrent
à s'en emparer. A la fin du conflit franco-anglais
(1453), la place reprit le cours de ses activités commerciales
traditionnelles. Rien ne vint troubler cette quiétude
jusqu'au début des guerres de Religions (1562). La
Rochelle, alors surnommée " la Genève française
", comptait en son sein une importante communauté
réformée et devint rapidement la " capitale
" des adeptes du nouveau culte. En 1571 se tint un synode
national calviniste dans l'ancien couvent des augustins, en
présence notamment d'Henri de Navarre (le futur Henri
IV).
Assiégée
une première fois par l'armée royale catholique
en 1573, la capitale de l'Aunis résista vaillamment
et finit par repousser l'agresseur, tuant au passage près
de 20 000 assaillants. Elle n'eut pas la même chance
en 1627, lorsque les troupes de Richelieu se présentèrent
au pied des murailles. Le cardinal, épaulé par
l'ingénieur Clément Métezeau (voir
Coucy), fit bloquer la cité côté mer
par une énorme digue artificielle hérissée
de pieux de bois. Il coupa ainsi la voie maritime au ravitaillement
anglais qu'attendaient les assiégés. A terre
également, il organisa le bouclage complet de l'enceinte
urbaine. La défense, emmenée par le maire Jean
Guiton, tint bon jusqu'en octobre 1628, mais se vit contraint
à la reddition le 30 de ce mois. Plus de 20 000 cadavres
jonchaient les rues de la ville.
La répression
fut terrible et La Rochelle perdit sa commune et ses exemptions.
Mais elle se releva bien vite, profitant largement des échanges
réguliers avec le Nouveau Monde. Elle participa activement,
comme tous les grands ports d'Europe occidentale, au sinistre
commerce triangulaire. Les guerres révolutionnaires
et napoléoniennes ne changèrent rien à
sa destinée. A la Restauration, la tour de la Lanterne
servit de prison aux fameux quatre sergents de La Rochelle,
membres de la société secrète des Carbonari
et instigateurs d'un complot contre le roi Louis XVIII (1822).
Ils gravèrent sur les murs de leur geôle des
graffitis émouvants, témoins de leur triste
passage.
Importante base sous-marine
allemande durant la Seconde Guerre Mondiale, La Rochelle fut
l'une des dernières villes de France libérées
en 1945.
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