Nous possédons
une représentation du château de Saumur au début
du XVe siècle dans les fameuses Très riches
heures du duc de Berry (enluminure du mois de septembre),
livre d'heures conservé au musée Condé
de Chantilly. Si les toitures ont subi de nombreuses modifications,
si les pinacles et les clochetons se sont perdus dans les
coulisses de l'Histoire, nous devons cependant reconnaître
que l'allure générale de l'édifice n'a
guère changée depuis six siècles.
La forteresse dessine
un quadrilatère irrégulier cantonné aux
angles de tours à l'origine cylindriques. Elle sont
datables par leur forme et leur facture de la première
moitié du XIIIe siècle et répondent tout
à fait aux normes philipiennes. Les bases en sont talutées
et les murailles percées de longues archères.
Il subsistait peut-être encore au centre du périmètre
ainsi délimité un donjon roman presque carré
à contreforts plats de 19m Ï 20 m. Son plan se
lit encore sur le pavage de la cour. Cette influence augustéenne
fut probablement directe : " Salmurum castrum "
est recensé dans le Scripta de feodis, le Registre
des Fiefs, consignant scrupuleusement les possessions de Philippe
Auguste et rédigé entre 1206 et 1210.
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A partir de 1367,
Louis Ier d'Anjou décida de transformer l'austère
château en somptueux palais, dans l'esprit de ce que
sont frère Charles V avait réalisé au
Louvre. C'est à peu près vers la même
époque qu'un autre de ses frères, Jean de Berry,
entamait de semblables aménagements sur les fondations
d'un château d'inspiration philippienne, à Mehun-sur-Yèvre.
Louis choisit comme maître d'uvre un certain Macé
Darne, peut-être un ancien disciple de Raymond du Temple,
architecte du nouveau Louvre. Les tours rondes furent conservées
sur une dizaine de mètres et servirent de supports
à des constructions polygonales à contreforts.
Contre les courtines furent accolés les bâtiments
résidentiels. L'aile ouest, aujourd'hui disparue, abritait
la grande salle au premier étage. Il en reste le pignon
avec les jambages d'une cheminée. Les ailes nord, sud
et est comprenaient l'ensemble résidentiel. Nous trouvions
une garde-robe située dans la tour de l'angle nord-ouest,
puis une succession de chambres (chambre de retrait, chambre
de parement et chambre princière) desservies par une
galerie couverte, agencement rare pour l'époque. L'aile
orientale était réservée aux appartements
de la duchesse. Mais l'une des pièces principales de
l'édifice est sans doute le très bel escalier
à vis logé dans l'angle nord-ouest de la cour
intérieure. On le dit généralement directement
inspiré par l'escalier irrémédiablement
perdu du Louvre. Toutes les tours et courtines furent crénelées
et pourvues d'une couronne ininterrompue de mâchicoulis.
L'accès fut défendu par une porte logée
dans un massif quadrangulaire doté de jolies échauguettes
et protégée par une esthétique bretèche
centrale.
Il est à noter
que Saumur a conservé d'importantes traces des fortifications
érigées par Duplessis-Mornay, malgré
leur démantèlement au début du XVIIe
siècle. Le bastion en demi-lune sud notamment, a certes
perdu son parement en pierre, mais a conservé sa structure
en terre.
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