" Salmurum castrum
" apparaît sans doute dans l'Histoire peu après
le grand raid breton lancé par Nominoé sur la
basse vallée de la Loire en 848. A cette occasion le
monastère du Mont-Glonne (aujourd'hui Saint-Florent-le-Vieil,
dans le Maine-et-Loire) fut entièrement dévasté.
Les moines s'enfuirent avec les précieuses reliques
de leur saint patron et vinrent trouver refuge derrière
les remparts de Saumur, sur des terres spécialement
concédées par le roi Charles II le Chauve (843-877).
L'asile ne se révéla cependant que de courte
durée : en 853, les Vikings cette fois remontèrent
le cours du fleuve, saccagèrent Nantes, Angers, Tours
et Saumur. Les religieux s'exilèrent alors à
Tournus (Saône-et-Loire) en emmenant leurs ossements
sacrés, espérant enfin trouver la quiétude
nécessaire à leurs oraisons.
Les raids scandinaves
cessèrent dans la première moitié du
Xe siècle et les moines de Saint-Florent se rapprochèrent
de leur foyer originel en s'installant pour la seconde fois
à Saumur. Le comte de Blois Thibaud le Tricheur (mort
en vers 977) leur offrit sa protection et construisit une
nouvelle forteresse vers 970 au dessus d'un monastère
Saint-Florent enfin restauré. Le château joua
un rôle considérable dans la lutte que livrèrent
ses successeurs Eudes I (mort en 995), Thibaut II (mort en
1004) et Eudes II (mort en 1037) contre le redoutable comte
d'Anjou Foulques III Nerra (987-1040). En 1023 Eudes II de
Blois-Champagne mobilisa une armée conséquente
pour tenter d'enlever des mains des Angevins la place de Montboyau
(Indre-et-Loire) située au nord de Tours. Le gardien
de Saumur, un fidèle du comte de Blois nommé
Gelduin, avait dégarni la citadelle de ses défenseurs
afin d'aller grossir le contingent assiégeant Montboyau.
Foulques profita de l'occasion pour cingler sur Saumur. Il
enfonça les portes du château presque désert
et s'en rendit facilement maître. Le gouverneur de la
place fut aussitôt emprisonné et envoyé
méditer à Doué sur l'absurdité
de l'existence, pendant que certains de ses fidèles
faisaient l'objet de tortures ou de mutilations. L'abbaye
Saint-Florent subit encore une fois pillages et dévastations
et fut emportée dans la tourmente. Foulques, étrange
personnage qui alternait la cruauté la plus extrême
avec des phases de repentir profondes et sincères,
prit peur à l'idée d'avoir offensé le
saint et d'encourir ainsi les foudres divines. Il s'engagea
à reconstruire un autre monastère à Angers.
" Saint Florent, se serait-il écrié, laisse
brûler ton monastère ! Je t'en élèverai
un bien plus beau dans ma ville d'Angers ! " Les reliques
du saint entamèrent un ultime voyage qui s'arrêta
cependant un peu en aval de Saumur, sur la berge sud du Thouet
au confluent avec la Loire (aujourd'hui Saint-Hilaire-Saint-Florent).
C'est là que s'installa définitivement la congrégation,
richement dotée par la munificence du comte d'Anjou.
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La forteresse fut
incendiée en 1067 par le comte de Poitiers Gui-Geoffroi,
lors du conflit qui opposa deux frères héritiers
potentiels du comté d'Anjou : Geoffroi III le Barbu
et Foulques IV le Réchin. La victoire de ce dernier
en 1068 conduisit Geoffroi directement en geôle au château
de Chinon. La forteresse de Saumur fut pour sa part restaurée
entre 1068 et 1100 et sans doute pourvue à cette époque
d'un gros donjon quadrangulaire aujourd'hui disparu. Sa trace
se lit cependant encore sur le dallage de l'actuelle cour
intérieure.
Saumur resta dans
le patrimoine de la dynastie anglo-angevine (Plantagenêts)
jusqu'à sa prise par le roi de France Philippe Auguste
(1180-1223) en 1203. En 1246 la forteresse fut donnée
en apanage avec l'Anjou à Charles (mort en 1285), frère
du roi Louis IX (1226-1270), également comte de Provence
et futur roi de Naples et de Sicile (1266), mais aussi roi
honoraire de Jérusalem (1277). L'Anjou revint derechef
à la couronne de France en 1328, avant d'être
à nouveau concédé en apanage au frère
du futur roi Charles V (1364-1380), Louis Ier d'Anjou (1356).
C'est ce prince qui reconstruisit entièrement le château
de Saumur à partir de 1367. A la mort du dernier descendant
de cette troisième maison angevine, le fameux "
Bon Roi René ", l'Anjou retournera pour la troisième
fois dans le domaine royal (1480).
A la fin du XVIe
siècle, Henri IV (1589-1610) confia le gouvernement
de Saumur à un huguenot appelé Duplessis-Mornay.
Le noyau castral fut alors entouré de remparts bastionnés,
de demi-lunes et d'autres aménagements propres à
résister au feu nourri de batteries de canons. Le départ
de Duplessis en 1621 marqua le début du déclin
de la forteresse et de son abandon progressif. Louis XIII
(1610-1643) ordonna son démantèlement partiel
et Napoléon Ier la transforma en prison d'état
(1810). Achetée par la ville en 1906, elle fut progressivement
réhabilitée et transformée en musée.
Un ambitieux programme de restauration débuta en 1997,
stoppé net par un cataclysme inattendu : le 22 avril
2001, un pan entier de la muraille nord s'effondra sur la
ville en contrebas. Des études aussitôt menées
par des architectes et des ingénieurs spécialisés,
révélèrent un péril imminent pour
tout l'édifice et la présence d'importantes
cavités dans le sous-sol. Un énorme chantier
destiné à sauver ce chef-d'uvre de l'architecture
castrale du XIVe siècle a alors débuté.
La réouverture complète au public devra attendre
la stabilisation totale du terrain et la sécurisation
du site (fin des travaux prévue pour 2007).
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