La forteresse médiévale
dessinait un grand carré de 70 mètres de côté
flanqué aux angles de grosses tours circulaires. Les
courtines nord et ouest étaient interrompues en leur
centre par de nouvelles tours rondes. Deux portes enserrées
entre deux cylindres étaient ménagées
dans les murailles orientale et méridionale. Cette
disposition reprenait les grands principes utilisés
peu auparavant par les bâtisseurs de Druyes-les-Belles-Fontaines
(Yonne) : forme géométrique simple et utilisation
massive des flanquements très saillants. On veillait
à ne jamais laisser des portions de murs linéaires
de plus de 25-30 mètres, correspondants à la
portée efficiente d'un arc. Toutes les tours étaient
percées de multiples archères à ébrasement
simple, assurant ainsi une parfaite couverture des remparts
aveugles.
L'ensemble, soigneusement
appareillé en belles pierres de taille, possédait
des bases légèrement talutées (bases
pleines et fruitées pour les tours). Cet agencement
visait deux objectifs fondamentaux : 1/ offrir une masse compacte
à toute tentative de sape. 2/ Favoriser le rebond des
projectiles jetés depuis les sommets.
Légèrement
excentré, le donjon cylindrique culminait à
32 mètres. Il possédait son fossé propre
totalement pavé. Cette tour monumentale affichait un
diamètre de 15,60 mètres pour une épaisseur
de murailles de 4,25 mètres. Les volumes intérieurs
(3 ?) étaient voûtés en pierre, limitant
ainsi les risques d'incendie. Tous les autres bâtiments
s'articulaient autour de la cour, adossés aux courtines.
Le plan du donjon
du Louvre fut décliné à l'infini dans
les constructions attribuables à Philippe Auguste.
Seule la grosse tour de Bourges, aujourd'hui disparue, lui
était antérieure. Les tours de Gisors (Tour
du Prisonnier), Falaise (Tour Talbot), Villeneuve-sur-Yonne,
Chinon (Tour du Coudray), Verneuil-sur-Avre (Tour grise),
Lillebonne, Montlhéry, Rouen (Le Donjon), Issoudun
(Tour Blanche), Vernon (Tour des Archives) et Dourdan reprennent
les mêmes critères et présentent toutes
d'étonnantes similitudes entre elles. De grands seigneurs
féodaux s'en inspirèrent aussi, tels Alphonse
de Poitiers à Najac (Aveyron), ou Enguerrand III de
Coucy dans le château du même nom.
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Aucune tour philippienne
ne nous est parvenue avec son couronnement. Les hourds de
Rouen où les mâchicoulis de Falaise ne sont que
des restitutions tardives (XIXe). Impossible donc d'asséner
un verdict définitif concernant le donjon du Louvre
dont il n'existe plus que les fondations. Quelques indices
permettent toutefois d'avancer de solides hypothèses
: parmi les trop rares textes affairant aux châteaux
du grand Capétien, plusieurs mentionnent la présence
de couvertures de plomb (Issoudun, le Goulet
) et de
hourds (Villeneuve-sur-Yonne, Montreuil-sur-Mer, La Ferté-Saint-Samson
).
L'édifice contemporain le mieux conservé, la
Tour Blanche d'Issoudun, est pourvue de trous de boulins.
Ces orifices étaient destinés à recevoir
les poutres supportant des galeries de bois. L'existence de
hourds surmontés de toitures recouvertes en plomb paraissent
donc, à cette époque, absolument incontournables.
Le Louvre constitua
un authentique laboratoire de techniques militaires, sans
cesse imitées et améliorées au cours
des siècles suivants. Dans les spécimens ultérieurs
de châteaux complets, la tour maîtresse fut souvent
déplacée sur le périmètre de l'enceinte,
du côté le plus exposé en cas d'assaut.
Cet ordonnancement facilitait les communications internes
en dégageant la cour, permettait l'installation de
machines de guerre dans les espaces libérés
et favorisait par conséquent une défense plus
active. On ne se contentait plus d'opposer à l'assaillant,
comme aux premiers temps de la fortification médiévale,
un site inexpugnable renforcé d'obstacles généralement
aveugles et puissants de leur seule masse, devant un donjon
cantonné au rôle d'ultime refuge. L'architecture
augustéenne témoigne d'un virage annoncé
en germe par les constructions des Plantagenêts et certains
exemples isolés. Nous retrouvons ces schémas
directeurs appliqués à Dourdan, Nesles-en-Tardénois,
ou Rouen. Les bâtisseurs purent désormais descendre
de leurs nids d'aigles, certes inaccessibles mais peu fonctionnels.
Rois et princes territoriaux n'hésitèrent plus
à bâtir en plaine, copiés par les féodaux
suffisamment riches pour les imiter.
Dans certaines constructions
enfin, les donjons furent purement et simplement supprimés
: Yèvre-le-Châtel (Loiret), La Fère-en-Tardénois
(Aisne), Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) en sont des témoignages
notables.
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