Le 6 mai 1270, le
puissant comte Robert II d'Artois achète une demeure
à la
Pointe Saint-Eustache, appuyée sur l'enceinte urbaine
de Philippe Auguste, pour y établir sa résidence
dans la capitale. L'Hôtel d'Artois passe au duc de Bourgogne
Philippe le Hardi en 1369. Le domaine s'est alors considérablement
agrandi, formant un ensemble d'un hectare au cur de
Paris. Il est délimité par les rues Tiquetonne
au nord, Saint Denis à l'est, Mauconseil au sud, Montorgueil
à l'ouest.
Au commencement du
XVe siècle, la situation politique dans le royaume
de France s'avère particulièrement complexe.
Le roi Charles VI est fou et totalement incapable d'exercer
ses fonctions. En coulisses, son frère Louis d'Orléans
et le duc de Bourgogne Jean sans Peur, se livrent à
une lutte sans merci pour assumer la réalité
du pouvoir. Le 23 novembre 1407, Jean fait assassiner son
rival et doit quitter Paris précipitamment. Mais la
population de la ville, plutôt favorable au parti bourguignon,
gronde, et le roi lui-même n'y est plus en sécurité.
Pour le protéger, certains fidèles l'enlèvent
et l'emportent avec eux vers le val de Loire (3 novembre 1408).
Le 28 novembre suivant, Jean peut entrer triomphalement à
Paris, pratiquement un an jour pour jour après le meurtre
du duc d'Orléans. Il négocie alors activement
avec les émissaires royaux et le parti Armagnac. Ainsi
appelle-t-on désormais les partisans de Charles d'Orléans,
fils de Louis, marié à la fille du comte Bernard
d'Armagnac, véritable chef de l'opposition à
Bourgogne.
Une paix est conclue
à Chartres le 9 mars 1409 et Charles VI rentre à
Paris le 17 mars. Le duc de Bourgogne a organisé les
choses en grand, selon le Bourgeois de Paris : " Tous
les bourgeois allèrent à sa rencontre. Devant
lui, il y avait 12 trompettes et grande foison de ménestrels,
et, partout où il passait, on criait Noël ! et
on jetait des violettes et des fleurs sur lui. " Le vrai
maître de la capitale, c'est désormais Bourgogne.
Dans ce contexte favorable, il entreprend à son Hôtel
d'importants travaux, dont la construction d'un grand corps
d'hôtel desservi par une monumentale tour qui porte
actuellement son nom, ceci afin de marquer sa présence
et sa puissance sur la Capitale. Jean sans Peur est lui aussi
assassiné le 10 septembre 1419 à Montereau,
sous les yeux complaisants (et peut-être sur ordre)
du dauphin Charles (le futur Charles VII).
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L'Hôtel reste
propriété des ducs de Bourgogne jusqu'à
la mort du dernier d'entre eux, Charles le Téméraire,
en 1477. Louis XI profite de la disparition de son grand ennemi
pour faire main basse sur une large part de son héritage.
L'Hôtel de Bourgogne est concerné au premier
chef. Inoccupé, il reste abandonné et menace
rapidement ruine.
En 1543, Sur ordre
de François Ier, l'Hôtel est divisé en
une vingtaine de lots séparés par la rue Françoise,
actuelle rue Française, coupant l'ensemble immobilier
en deux parties. La partie occidentale deviendra le célèbre
théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, berceau
de la Comédie Française. La partie orientale,
vendue à Diego de Mandosse, portera longtemps le nom
d'Hôtel de Mandosse.
Entre 1782 et 1868,
le quincaillier Sterlin, puis le serrurier Bricard, installent
familles et entreprises dans la tour et ses bâtiments
adjacents. Elle est achetée par la ville de Paris en
1884 et classée Monument Historique. Elle bénéficie
d'une restauration en 1991 et 1992 et est ouverte pour la
première fois au public en 1999, grâce à
l'abnégation de l'Association des Amis de la tour Jean
sans Peur.
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