Rouen, l'antique
Rotomagus, fut dotée d'une enceinte urbaine dès
la fin du IIIe siècle apr. J.-C. Les ducs de Normandie
firent de la vieille cité dévastée par
les Vikings l'une de leurs capitales et y dressèrent
sans doute très tôt (peu après 911) un
château au sens médiéval du terme (résidence
seigneuriale fortifiée). Lorsque Philippe Auguste la
conquit en 1204, il rasa le palais ducal et les murailles
et érigea une nouvelle forteresse au nord-ouest de
la ville pour mieux la contrôler. Une fois la fidélité
rouennaise assurée, le pouvoir parisien donna l'autorisation
de reconstruire les remparts (milieu XIIIe siècle).
Ils furent encore modifiés et agrandis durant la guerre
de Cent Ans, mais il n'en demeure plus rien aujourd'hui.
Le château
du Bouvreuil, bâti donc par Philippe Auguste, avait
un plan pentagonal et était cantonné de plusieurs
flanquements circulaires ou hémicylindriques. Il possédait,
selon un plan du XVIIe siècle, une entrée philippienne
classique percée entre deux tours. Le donjon, comme
à Dourdan, était à cheval sur l'enceinte,
possédait son fossé pavé propre et était
donc isolé du reste de la place. Il a seul traversé
le temps.
Très restauré
au XIXe siècle, il apporte néanmoins d'importantes
informations sur les grands donjons philippiens tous dérivés
de celui du Louvre. Il se rattache en cela à Dourdan
déjà évoqué, Montlhéry,
Vernon (tour des Archives), Chinon (tour du Coudray), Gisors
(tour du Prisonnier), Issoudun (tour Blanche), Falaise (tour
Talbot), Lillebonne, Verneuil-sur-Avre (tour Grise), et Villeneuve-sur-Yonne
pour les seuls édifices encore subsistants. Il est
construit en bel appareil régulier, possède
une base talutée pleine et trois ressauts et est pratiquement
aveugle. Son diamètre atteint 14,80 mètres avec
des murailles épaisses de 4 mètres. L'édifice
possède deux ouvertures opposées en rez-de-chaussée
selon l'usage des ingénieurs du roi Philippe. L'une
ouvrait sur la place, l'autre sur la campagne. Des cadres
de maçonneries étaient destinés à
recevoir les tabliers de ponts mobiles actionnés par
des treuils. La porte sud reçut un pont-levis à
flèche sans doute après la première moitié
du XIVe siècle.
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On découvre
en pénétrant à l'intérieur une
salle avec cheminée, puits et latrines, dotée
d'une belle voûte d'ogives à six nervures. Un
escalier à vis éclairé par des fentes
verticales emmène vers le premier niveau actuellement
planchéié, mais autrefois également doté
d'une voûte d'ogives si nous en croyons les relevés
de Viollet le Duc. Le dernier étage était probablement
sous combles et hourdé. Il ne faut toutefois pas se
fier à la couverture actuelle, fruit d'une restauration
du XIXe siècle. Nous rappelons que les plus anciens
hourds de France sont visibles au château
de Laval. A noter que le Donjon fut transformé
en dépôt de munition durant la Seconde Guerre
Mondiale et que les Allemands coulèrent une énorme
dalle de béton armé au sommet de la tour, toujours
visible sous la toiture.
La tour abrite aujourd'hui
un intéressant et riche musée consacré
au passé médiéval militaire de Rouen.
On y trouve notamment plusieurs bombardes et des maquettes
représentant la ville au XVe siècle.
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