Cléry apparaît
dans l'histoire vers 1280. Selon la légende, un paysan
retournant son champ exhume de la terre une petite statue
de la Vierge à l'Enfant en bois polychrome. L'homme
veut la rapporter au curé de sa paroisse (Mézières-les-Cléry),
mais les bufs de son attelage prennent la direction
opposée, et stoppent leur marche paisible et volontaire
dans une petite clairière proche de la Loire.
Il n'en faut pas
davantage pour que l'on crie au prodige. Un premier sanctuaire
est édifié, à l'emplacement même
où les bovidés obstinés se sont arrêtés.
Il devient une étape incontournable sur la route des
pèlerins de Compostelle. Quelques guérisons
miraculeuses parachèvent la réputation de sainteté
des lieux, et l'édifice primitif se montre vite trop
restreint pour accueillir des foules. Dès 1300, Philippe
IV le Bel décide de construire une église plus
conforme au prestige grandissant de Cléry. Les travaux
durent cinquante ans. Des chanoines assurent les offices.
Charles IV le Bel en 1325, et Philippe VI de Valois en 1332
et 1340, viennent y adresser leurs prières.
Cléry échappe
à la tourmente de la Guerre de Cent Ans jusqu'en 1428.
A cette date, les Anglais commandés par le comte de
Salisbury rasent la cité et brûlent la collégiale.
Ces troupes vont assiéger la ville d'Orléans
au mois d'octobre, et Salisbury y trouve la mort dès
les premiers accrochages. Tous les auteurs français
s'accordent pour lire dans l'incident une sanction divine
" parce qu'il n'espargnoit monastères ne églises
qu'il pillast et feist piller, puis qu'il peust entrer. Qui
sont choses assez induisans à croyre que ses jours
en furent abbregez par juste vengence de Dieu. Et en especial
fut pillée Nostre Dame de Cléry et le bourg
aussy pareillement. ". Jeanne d'Arc passe à proximité
d'un monceau de ruine en 1429.
En 1443, le dauphin
Louis (futur Louis XI), fils du roi Charles VII, vole au secours
de Dieppe assiégée
par les Anglais. La résistance britannique est très
forte et Louis doute de la victoire. En la veille de la fête
mariale (14 août), Jean de Dunois (le Bâtard d'Orléans),
conseille au jeune prince d'adresser un vu à
la Vierge de Cléry. Louis lui répond : "
Mon cousin, de quel costé est Nostre-Dame-de-Cléry
? Et lui ayant montré, il se prosterne à genou
et fait vu à la Saincte Vierge, si elle lui faisoit
grâce de repousser l'ennemi, il feroit bastir une église
et l'amplifiroit de grands honneurs en faveur de la contemplation
de la Saincte Vierge qui y estoit réclamée.
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Sans doute là
naît l'incroyable ferveur dont Louis fait preuve à
l'égard de la Vierge, et plus particulièrement
à Notre Dame de Cléry, sa vie durant. Les travaux
de la nouvelle église démarrent en 1445 et ne
seront achevés qu'en 1485. Cléry devient la
nécropole des Dunois-Longueville et le dauphin Louis,
devenu Louis XI (1461-1483), y effectue de nombreux séjour.
Il s'y est fait aménager un petit oratoire depuis lequel
il assiste sans être vu à la messe. Sa résidence
est toute proche (aujourd'hui l'école privée
Jeanne d'Arc) et un passage souterrain lui permet de gagner
la sacristie sans passer par l'extérieur. A sa mort,
en 1483, c'est là que le Valois veut reposer, refusant
ainsi d'être inhumé, conformément à
la tradition, aux côtés de ses aïeux à
Saint-Denis. Son épouse, Charlotte de Savoie, l'y rejoint
quelques mois plus tard. Leur fils Charles VIII (1483-1498)
a décidé de donner son cur au sanctuaire
tant vénéré par son père.
Henri II offre de
belles stalles en bois aux chanoines de Cléry. La ville
et la collégiale sont pillées à deux
reprises durant les Guerres de Religion, mais hormis le gisant
de Louis XI, totalement détruit, l'église ne
subit que peu de dégâts. Louis XIII commande
un nouveau mausolée au sculpteur Bourdin en 1622. Les
révolutionnaires se contentent de violer la sépulture
de Charlotte de Savoie et de fondre son cercueil en plomb.
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