C'est en 1101 que
Robert d'Arbrissel, ermite d'origine bretonne, choisit de
quitter sa retraite d'une forêt du Maine avec quelques
disciples, pour s'installer au lieu appelé Fontevraud.
Il bénéficie du soutien du pape Urbain II dans
la mission de prêcheur qu'il s'est assignée.
La communauté fondée par Robert présente
la particularité d'être mixte, même si
les moines et les nonnes sont séparés de facto.
La direction de l'établissement est par ailleurs très
tôt confié à une femme. La première
abbesse est Pétronille de Chemillé, dès
1115. Robert d'Arbrissel meurt pour sa part en 1117.
Bien vite le monastère
croît en renommée et en proportion. Il s'attire
la bienveillance de la puissante dynastie anglo-angevine.
Henri II Plantagenêt décide de s'y faire inhumé
en 1189, bientôt rejoint par son fils Richard et par
son épouse, Aliénor d'Aquitaine, en 1204. Avec
le retour de l'Anjou et de la Touraine dans le giron capétien
(1204-1205), la nouvelle et éphémère
nécropole des Plantagenêts ne perd pas son rôle
de premier plan et continue à bénéficier
des largesses princières et royales. Elle devient au
fil des siècles un lieu de retraite pour la haute aristocratie.
Les abbesses sont généralement issues de prestigieux
lignages et cinq descendent même directement de la dynastie
des Bourbons. Jeanne-Baptiste de Bourbon (1637-1670) est ainsi
la fille légitimée d'Henri IV et de Charlotte
des Essarts. La communauté demeure mixte, même
s'il sied parfois mal aux hommes d'être dirigés
par une femme.
|
Fontevraud ne se
trouve pas à l'abri des conflits et des tourmentes
de l'Histoire. Après le saccage du monastère
par les huguenots en 1562, la communauté est dissoute
en 1792. Mais les bâtiments échappent à
la destruction grâce à une singulière
destinée. A l'époque ou Cluny, Saint-Wandrille
ou Jumièges sont
partiellement ou pratiquement intégralement détruites,
Fontevraud est transformée en centrale pénitentiaire,
comme le Mont-Saint-Michel.
A propos de ce dernier, Victor Hugo écrivait indigné
à sa femme Adèle : " Figure-toi une prison,
ce je ne sais quoi de difforme et de fétide qu'on appelle
une prison, installé dans cette magnifique enveloppe
du prêtre et du chevalier. Un crapaud dans un reliquaire.
" La description s'applique ici aussi à merveille.
D'autres abbayes furent ainsi sauvées de la disparition
par des affectations pour le moins incongrues : faïencerie
à Noirlac, brasserie
à Montivilliers
Prison, Fontevraud
le demeure jusqu'en 1963, avant de revenir à la destination
plus paisible et légitime de centre culturel. Patiemment
restaurée au prix de chantiers titanesques, elle a
aujourd'hui recouvré une large part de son lustre d'antan.
|