Epoques gallo-romaine
et franque :
C'est sans doute
peu avant le début de l'ère chrétienne
qu'apparaît l'antique Rotomagus, capitale de la tribu
celte des Véliocasses. La ville se développe
rapidement et est pourvue comme les autres agglomérations
gallo-romaines d'un amphithéâtre, de temples,
d'un forum et de plusieurs établissements thermaux.
Les saints Nicaise et Mellon y installent un évêché
au milieu du IIIe siècle apr. J.-C. A la fin de ce
même siècle, sous la menace des raids germaniques,
Rotomagus se dote d'une enceinte urbaine restreinte enserrant
une surface d'environ 23 hectares. La réforme administrative
entreprise par l'empereur Dioclétien en 294 lui confère
le statut de métropole. Elle devient donc capitale
de la province de Lyonnaise Seconde (Provincia Lugdunensis
Secunda), comprenant les cités d'Evreux, Bayeux, Avranches,
Sées (ou sa région), Lisieux et Coutances.
Le premier évêque
mentionné serait saint Nicaise vers 260, mais le personnage
demeure essentiellement légendaire. La figure de son
successeur, saint Mellon, est à peine mieux assurée.
Une première cathédrale y est construite dans
la seconde moitié du IVe siècle par saint Victrice.
Comme toutes les
autres villes de Gaule, Rouen subit au Ve siècle le
flot des invasions germaniques. Elle passe sous domination
franque en 480, après la victoire de Clovis sur Syagrius
à Soissons. Elle est mentionnée à plusieurs
reprise dans l'Histoire des Francs de Grégoire de Tours
(VIe siècle). Grégoire raconte notamment avec
force détails le meurtre de l'évêque Prétextat,
exécuté en 586 dans son sanctuaire sur ordre
de la terrible reine Frédégonde : " Le
jour de la résurrection du Seigneur étant arrivé,
l'évêque se rendit de bonne heure en hâte
à l'église pour accomplir les offices ecclésiastiques
et selon la coutume, il commença à réciter
les antiennes dans leur ordre. Puis, tandis que pendant le
chant il s'était assis sur son banc, surgit un cruel
homicide qui, ayant tiré un couteau de son baudrier,
frappa sous l'aisselle l'évêque qui reposait
sur le banc. Celui-ci poussa un cri pour que les clercs qui
étaient présents, vinssent à son secours
; mais il ne reçut l'aide d'aucun des si nombreux assistants.
Alors, étendant ses mains pleines de sang sur l'autel,
il prononça une prière et rendit grâce
à Dieu. " (trad. Latouche).
La cité connaît
un rayonnement particulier sous l'épiscopat de saint
Ouen (641-684), qui encourage le mouvement monastique naissant.
A cette époque apparaissent les grandes abbayes du
val de Seine, telles Fontenelle (Saint-Wandrille) ou Jumièges.
Elle joue également un rôle économique
conséquent en tant que port de mer et port fluvial.
Le duché de
Normandie :
A compter de 841,
les Scandinaves effectuent de régulières expéditions
dans la vallée de la Seine. Dès cette date ils
ravagent une première fois Rouen. La Chronique de Fontenelle
ne laisse planer aucun doute sur ce sujet : " L'an de
l'incarnation du Seigneur 841, les Normands arrivèrent
avec leur chef Oscherus et brûlèrent la ville
de Rouen le 14 mai. " Les Vikings s'installent progressivement
dans le secteur, jusqu'à y établir une domination
de facto. Les rois francs successifs tentent vainement de
les en déloger. En 911, le roi Charles le Simple comprend
qu'il n'a pas les moyens d'éradiquer le phénomène
et décide donc de l'utiliser. Il rencontre à
Saint-Clair (Val-d'Oise) le chef Hrólfr (Rollon) et
lui concède les terres " situées de la
rivière Epte jusqu'à la mer ". Un capitulaire
daté de 918 précise que cette cession a été
réalisée au profit " des Normands de la
Seine, c'est-à-dire à Rollon et ses compagnons,
pour la protection du royaume ". L'embryon de ce qui
sera le duché de Normandie est né. Il comprend
approximativement les actuels départements de la Seine-Maritime
et de l'Eure.
La Normandie (on
peut dès lors l'appeler ainsi) s'accroît du Bessin
et de l'Hiémois (Calvados et Orne) en 924, puis de
l'Avranchin et du Cotentin (Manche) en 933. La province de
Lyonnaise Seconde se trouve restituée dans ses frontières
originelles, sous le sceptre de la puissante dynastie nordique.
Rouen en est la ville principale. On y construit durant le
XIe siècle une cathédrale romane. Au milieu
du XIIe siècle, l'archevêque Hugues d'Amiens
entame la construction de la tour Saint-Romain dans le nouveau
style faisant fureur dans l'Ile-de-France et que nous appelons
aujourd'hui gothique. La cathédrale est incendiée
en 1200 et la reconstruction dans le style gothique débute
sous la baguette du maître d'uvre Jean d'Andeli.L'existence
du duché de Normandie perdure jusqu'en 1204, date à
laquelle le roi Philippe Auguste récupère sur
ses rivaux Plantagenêts les territoires abandonnés
par Charles le Simple trois siècles plus tôt.
Le roi de France y imprime aussitôt sa marque en rasant
les remparts et en bâtissant le château
du Bouvreuil.
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Une ville convoitée
:
Rouen, avec ses 15
000 ou 20 000 habitants, compte alors parmi les plus grandes
villes du royaume. Les Capétiens ont désormais
recouvré un accès direct sur la Manche et favorisent
encore le développement de la cité. Désireux
de se doter d'une marine capable de rivaliser avec l'armada
anglaise, Philippe IV le Bel y construit en 1294, sur la rive
gauche, le fameux Clos des Galées. Cet arsenal restera
actif jusqu'en 1418.
La métropole
est emportée comme tant d'autres dans la tourmente
de la guerre de Cent Ans. Menacée brièvement
lors de la grande expédition menée par Edouard
III d'Angleterre en 1346, qui s'achève par le désastre
de Crécy, elle est cependant relativement épargnée
durant un demi-siècle. En 1382, en même temps
que les Parisiens se révoltent contre la fiscalité
croissante (les Maillotins), les Rouennais leur emboîtent
le pas. C'est la première Harelle, déclenchée
le 24 février. Le roi Charles VI et ses oncles interviennent
rapidement et répriment beaucoup plus durement la ville
normande que la capitale. Les meneurs sont envoyés
se balancer au bout d'une corde, une partie des fortifications
est rasée, les cloches sont descendues du beffroi.
Ils suppriment également la commune (municipalité),
symbole d'autonomie, et la plupart des privilèges économiques
qui assuraient la prospérité de la ville. Exsangue,
Rouen se révolte une seconde fois le 1er août
suivant (seconde Harelle). La répression qui s'ensuit
s'avère plus terrible que la précédente
et laisse la cité à genoux.
Après le revers
d'Azincourt infligé par les troupes disciplinées
du roi d'Angleterre à l'armée française
(1415), la Normandie se trouve directement sous la menace
des forces d'Henri V. Une opération de grande envergure
est lancée en 1417 et conduit à la prise rapide
de Caen. A l'été 1418, les Anglais sont sous
les murs de Rouen et commencent le siège de la ville.
Comme deux siècles plus tôt au Château-Gaillard,
dans une situation inversée (les Français assiégeaient
alors les Anglais), les bouches inutiles sont expulsées.
Mais les Anglais refoulent les malheureux qui errent et meurent
par centaines entre les lignes ennemies. Le 19 janvier 1419
enfin, la ville capitule et ouvre ses portes à Henri
V. Jean Juvenal des Ursins, contemporain de ces événements,
rapporte sobrement : " Le siege fut longuement devant
Rouen, ne jamais ne l'eussent eu sinon par famine, car il
y avoit vaillantes gens tenans le party du duc de Bourgongne
; mais la famine fut si merveilleuse et si grande, qu'ils
furent contraints de se mettre en obeyssance du roy d'Angleterre,
car d'un costé et d'autre ils n'eurent aucun secours.
Le dix-neuviesme jour de janvier le roy d'Angleterre entra
à Rouen. "
Jeanne au bûcher
:
Par l'un de ces revirements
dont l'histoire à le secret, Rouen redevient donc possession
des lointains descendants de Guillaume le Conquérant
et des Plantagenêts. Lorsque les Bourguignons de Jean
de Luxembourg s'emparent de Jeanne d'Arc devant Compiègne
(23 mai 1430), ils la vendent aux Anglais pour la somme de
10 000 livres tournois. Ceux-ci la transfèrent à
Rouen et l'y enferment, la menacent de la torture au château
du Bouvreuil et la jugent dans le palais épiscopal.
D'abord condamnée à l'emprisonnement à
vie, cette peine est commuée en peine de mort après
que la jeune fille ait été jugée relapse.
La Pucelle est brûlée vive le 30 mai 1431.
La ville reste sous
domination anglaise jusqu'en 1449, date à laquelle
les armées victorieuses de Charles VII pénètrent
dans son enceinte. Le procès en réhabilitation
de Jeanne d'Arc s'ouvre à Notre-Dame de Paris le 7
novembre 1453. La sentence prononcée en 1431 est symboliquement
annulée dans le palais épiscopal de Rouen le
7 juillet 1456.
La destinée
de Rouen se confond désormais définitivement
avec celle de la France. Après une longue ère
de prospérité, elle connaît à nouveau
les affres du pillage durant les guerres de Religions (1562).
Elle vit encore des heures terribles pendant la Seconde Guerre
Mondiale. Bombardée puis occupée en juin 1940,
elle subit un déluge de feu au cours de l'année
1944. La cathédrale est alors très endommagée,
mais la majeure partie de son patrimoine architectural reste
épargnée. Libérée le 30 août
1944, elle devient le 11e port US.
La grande tempête
de décembre 1999 fait tomber l'un des clochetons de
la flèche vertigineuse. Il s'abat sur les toitures
du chur et les transpercent, provoquant d'importants
dégâts sur les stalles, aujourd'hui heureusement
réparés.
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