Les origines :
De l'antique Samarobriva,
capitale du peuple des Ambianii fondée sous le règne
de l'empereur Auguste, ne demeure plus aucun vestige visible.
La ville possédait des thermes, un amphithéâtre
et se dota aux IIIe-IVe siècles apr. J.-C. d'une enceinte
réduite, enserrant les principaux bâtiments publics
sur une vingtaine d'hectares. Le premier évêque
de la cité fut saint Firmin, à compter de 287.
Il subit le martyre en 303, durant les grands persécutions
contre les chrétiens organisées sous le règne
de Dioclétien.
Amiens comptait parmi
les plus importantes villes du nord de la Gaule à l'époque
franque. Elle fut le siège d'un comté carolingien,
que ne manquèrent pas de piller les Scandinaves à
plusieurs reprises. Ils en franchirent les remparts en 859,
date à laquelle les Annales de Saint-Bertin rapportent
: " Les Danois vinrent de nouveau au monastère
de Saint-Valéry (sur-Somme) et à la ville d'Amiens,
et les ravagèrent, ainsi que tous les lieux environnants
par le pillage et l'incendie. " Ces mêmes Annales
parlent des " Danois habitant sur la Somme " en
860, prouvant que les rois francs n'avaient plus guère
la capacité d'imposer leur autorité dans la
région dès le milieu du IXe siècle. Ce
sont donc probablement les Vikings qui détruisirent
la première cathédrale mérovingienne.
Passé le temps
des ravages, les puissants comtes de Vermandois s'approprièrent
la ville au Xe siècle. Une cathédrale romane
s'y éleva dans le courant du XIe siècle. Amiens
passa ensuite dans le lignage des sires de Coucy, seigneurs
de Boves. Enguerrand de Boves s'opposa vainement en 1115 à
l'instauration d'une charte de libertés communales,
ardemment désirée par l'évêque
et les principaux notables. Elle fut néanmoins confirmée
deux ans plus tard par le roi Louis VI le Gros (1108-1138),
trop heureux de pouvoir gêner l'influence d'un vassal
encombrant au Nord du domaine royal. Louis le Gros affronta
les armes à la main Thomas de Marle, fils et héritier
d'Enguerrand, trublion notoire mettant un soin particulier
à piller les terres de l'Eglise. L'abbé Suger
a largement narré les péripéties épiques
de cette guerre féodale dans sa fameuse Vie de Louis
le Gros.
Le temps de la splendeur
:
Philippe Auguste
entra en conflit avec le comte de Flandre Philippe d'Alsace
dans les années 1180. Le traité de Boves mit
un terme à cette querelle en juillet 1185. Philippe
II y gagna une part de l'Artois, le Vermandois et la ville
d'Amiens. Il s'agit là de la première conquête
significative du grand Capétien avant les extensions
territoriales des années 1204-1205. La vielle ville
épiscopale passa donc à cette date dans le domaine
de la couronne. En 1218, la foudre causa un violent incendie
qui dévasta totalement la cathédrale romane.
La construction de l'édifice actuel débuta deux
ans plus tard.
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Amiens resta au roi
de France jusqu'à l'occupation anglaise dans la foulée
de la défaite française d'Azincourt (1415) et
du traité de Troyes (1420). Le duc britannique Jean
de Lancastre y fit venir en 1423 les ducs Jean V de Bretagne
et Philippe de Bourgogne, pour y conclure une alliance contre
Charles VII. Les Français reprirent la cité
quelques années plus tard. Mais par le traité
d'Arras de 1435, le roi Charles VII la concéda avec
plusieurs autres villes de Picardie au duc de Bourgogne Philippe
le Bon, afin d'obtenir les mains libres contre les Anglais
pour mener les ultimes combats de la guerre de Cent Ans. Une
clause de ce traité prévoyait cependant une
possibilité de rachat par le roi de France.
C'est Louis XI qui
la fit prévaloir en 1463, versant les 400 000 écus
d'or convenus initialement, contre l'avis du fils du duc de
Bourgogne, Charles de Charolais (futur Charles le Téméraire).
Les villes de la Somme constituèrent une pomme de discorde
supplémentaire dans la querelle entre le royaume de
France et les Etats bourguignons. Juste avant l'entrevue de
Picquigny de 1475 avec le roi Edouard IV, c'est à Amiens
que Louis XI offrit aux soldats anglais un célèbre
banquet destiné à endormir leur ardeur au combat.
Cet " exploit " lui inspira ce bon mot relevé
par Jean Favier : " J'ai plus aisément chassé
les Anglais hors du royaume de France que ne l'a fait mon
père [Charles VII], car mon père les a mis hors
à force d'armes, et je les ai chassés à
force de pâtés de venaison et boire de bons vins.
" La mort du Téméraire en 1477 permit au
Valois de confirmer définitivement sa mainmise sur
la vallée de la Somme.
Les menaces de l'histoire
:
Mais les descendants
de la maison bourguignonne menacèrent encore longtemps
la région. Les Espagnols, venus des Pays-Bas sous leur
domination, s'en emparèrent notamment en 1597, avant
que Henri IV ne reprenne les choses en main quelques mois
plus tard.
Le destin de la ville
se confondit dès lors avec celui de la nation française.
Elle connut les mêmes joies et subit les mêmes
calvaires. Le traité d'Amiens de 1802 entérina
une paix [bien provisoire] entre la France et les Britanniques.
Mais c'est au XXe siècle que la métropole picarde
souffrit le plus des conflits. Les Première et Seconde
Guerres Mondiales engloutirent les vieux quartiers et menacèrent
la cathédrale. Occupée temporairement par les
forces allemandes en 1914, la ville demeura pratiquement quatre
ans à la portée des canons du front et connut
de multiples bombardements. Tous les quartiers autour de la
gare et les ultimes maisons médiévales près
de la cathédrale, furent emportées dans la tourmente
de 1940-1944.
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